Propositions pour un cahier dramaturgique
" Il existe des histoires, des images et des mots, des
textes qui vous poursuivent toute la vie ; comme une hantise,
ils resurgissent, vous appellent et demandent à remonter
à la surface, à la lumière, à
la vie. Ce récit de Dostoïevski fait parti de
ceux là ; de ceux que l'on ne peut oublier. Sans doute
l'acteur que je suis a-t-il trouvé là une partie
de lui-même qu'il n'ose révéler qu'à
travers les mots d'un autre. Sans doute que le personnage
qu'il a déjà esquissé est-il si vaste
dans le sens de la grandeur d'âme, et de la générosité
qu'il y puise une énergie revitalisante et consolatrice.
Mais au delà du chemin intérieur, personnel
et singulier d'un acteur. Il existe bel et bien un intérêt
à reprendre ce récit : Comment ne pas voir là
l'aveu d'impuissance d'un écrivain engagé à
réformer une société par la base avec
les faibles, par le peuple. Comment ne pas voir dans cette
histoire le questionnement et les doutes d'un homme confronté
à tous les espoirs que font naître les courants
de réforme socialiste de l'époque face à
la nature profondément égoïste de l'être
humain. Cet écrivain donnera la réponse de son
questionnement quelques années plus tard dans ce que
j'appellerais la suite des avatars de Polzounkov,
dans les aveux de Les carnets
du sous sol.
Le même homme a maintenant
quarante ans et il vît dans un trou.
Il nous dit que le sens de la lutte progressiste est de rester
au plus bas de l'échelle sociale. Et ce par choix,
par raison et volonté. Ce renoncement individuel laisse
sur le bas côté l'utopie des ralliements aux
grandes causes des heures de la jeunesse. "
Bruno Marchand
|